Édito du 6 avril 2022 – Discours Doyen 5 avril 2022

Publié le 06/04/2022 | Culture, Économie et social, Édito, International, Monaco, News, Politique

DISCOURS Doyen 5 AVRIL 2022

 Monsieur le Ministre,

Madame Messieurs les Conseillers ministres,

Chers collègues,

Chers amis, dans l’hémicycle, à la télévision ou sur Internet

 

L’an dernier je louai le rôle du doyen qui, au-delà du discours annuel d’ouverture de la mandature trouvait, la réciproque aux États-Unis avec la Présidente de la Chambre des représentants ! 

C’était déjà formidable ! Voilà ce soir, si j’ose dire, le doyen est monté en grade ; il s’agit du Président des États-Unis d’Amérique !

Est-ce terminé ? Certains d’imaginer que ce soit mon dernier ; l’avenir le dira, Max Stirner, le philosophe anarchiste individualiste, proclamait :

« Ce que tu as la force d’être, tu as aussi le droit de l’être ! » ; De fait,

Être doyen n’est pas une charge… mais un espoir !

Chers amis, chers collègues, rassurez-vous cependant, Corneille aidé par Rodrigue, prévenait « aux âmes bien nées, la valeur n’attend point le nombre des années ».

Si tôt dit, sitôt fait,

A Paris vers 1798, le Directoire, soucieux d’éloigner le jeune et ambitieux général Bonaparte, l’envoi, à 29 ans, mener la campagne d’Égypte ; celui-ci d’haranguer son armée :

« Du haut de ces pyramides, 40 siècles vous contemplent… »

Décidément les doyens sont toujours là !

Cette soirée est très particulière     Eh oui !

D’abord, privilège du Doyen, mon temps de parole n’est pas limité ! 

De plus, nous attendons tous la réélection du Président du Conseil National.

 

xxx

Après ces prolégomènes, je souhaite adresser un salut de solidarité au peuple Ukrainien, dont j’admire la force et le courage.

 Il y a urgence à trouver une solution diplomatique ; « l’indifférence tue »

Ce n’est qu’une lueur, mais elle luit. 

xxx

 

Soirée particulière !  Oui ! nous vivons au moins trois paradoxes, dont le poète proclame avec raison, et pour s’en délecter :

« Le paradoxe ; c’est que le noir, …, cache le sublime ! »

Je vous le dis tout de suite, parmi ces paradoxes l’un n’est pas que, mon discours soit plus court !

  • La dernière année d’une mandature est toujours paradoxale, elle mêle à la fois :
  •  Un bilan « économique, social et sanitaire dont nous pouvons être fiers. Monaco a passé un cap ; malgré la pandémie nous sommes globalement sur les rails ; le budget prévisionnel est positif et l’économie semble repartie.
  • Et dans le même temps, une perspective. Tous les yeux sont déjà tournés vers les prochaines élections nationales… ce qui n’est pas rien d’ailleurs ! Penser demain ne fait aucun mal, bien au contraire ! 

Ce double mouvement, pour important qu’il soit dans la vie démocratique du pays, ne doit pas conduire à un optimisme béat !

 Il est important de garder un œil sur le présent car, même atténuées, les conséquences notamment du COVID et le développement de la guerre en Ukraine ont des impacts bien perceptibles sur la vie quotidienne, auxquelles il convient de faire face, y compris avec nos fragilités

  • Nous semblons certes sortir de la pandémie et des difficultés et contraintes qu’elle a créées : confinement, masques, vaccination, passe sanitaire, mais aussi aides aux entreprises et aux salariés… j’en passe vous m’avez compris.

Cette situation extraordinaire et délicate, me donne l’occasion de remercier toutes les forces vives du pays qui ont apporté, avec talent, des réponses adaptées, à même de faire face, plus que bien, aux diverses contraintes sanitaire, économique et sociale

Comment ne pas souligner, entre autres évidemment, l’action des Institutions Culturelles qui ont largement contribué à donner aux spectateurs et aux acteurs, la respiration que la situation sanitaire avait partiellement coupé ; d’autant plus formidable, comparée aux contraintes vécues par les pays proches.

A ce propos, permettez-moi un clin  d’œil

Lors de la clôture du 1er Conseil National des Jeunes, de magnifiques paroles ont été prononcées ; « Quand on veut on peut ! » – « quandu se voe, se po » et « à Monaco tout est possible » – « a Munegu se po tutto » …

Comment ne pas y voir les prémisses d’une future et très attendue 

Nuit Blanche !

Non je ne radote pas ; 

A l’arrêt malgré son succès : préparée en 4 mois, avec 3000 à 5000 spectateurs : notamment, la Villa Sauber, fermée par sécurité et les files d’attentes pour y entrer…

HEUREUSEMENT ? Jacques PREVERT à propos des rois de France Louis

Louis 1, Louis 2……… Louis 16, 17, Louis 18 …. Ne savaient-ils pas compter jusqu’à 20 ?

Heureusement.  s’il en est de même chez nous depuis

  1. 2017.18.19.20.21… .2022 serait l’année de la Nuit Blanche !

 

  • Toutefois cette situation, assurément positive, a créé un deuxième paradoxe !

A force de crier « liberté, liberté, … », certains en sont venus à oublier les contraintes nécessaires au « bien commun ».

Le fait simple, de vivre tous ensemble, comme un orchestre hétéroclite, chacun avec nos qualités et nos défauts certes, implique de vivre une communauté !

D’autant que le poète, toujours aux aguets, de nous prévenir.

« Le paradoxe est une opinion qui vit de ses chaînes, … aux dépens de la vérité » !

De fait, la vérité des uns n’est pas la vérité des autres !

L’aspiration à l’individualisme, berceau de la liberté, a créé une sorte de grippage de la dynamique démocratique, alors qu’au contraire elle en est son triomphe absolu !

À cette occasion, j’ai repris mon manuel de sociologie, ça fait bien longtemps…  Karl Marx,1847 et oui, j’y ai retrouvé les ingrédients de notre temps.

L’union des travailleurs, écrit-il, « est facilitée par l’accroissement des moyens de communication ». Comme chacun sait, il n’y avait alors, ni Internet, ni les réseaux sociaux, pour rapprocher les hommes et les femmes isolés dans des localités différentes, pour partager un but commun : 

Pour Marx, il s’agit de « la lutte des classes » ; le bien commun déjà.

Aujourd’hui, la communication permet l’union d’opinions isolées, rendues fortes les unes par les autres, quand bien même, parfois, elles étaient radicalement différentes.

Si, en quelque sorte, l’union fait la force…le bien commun n’est pas toujours au rendez-vous.

Je fais miens les propos, très perspicaces, d’Oscar Wilde :

« Le chemin de la vérité est celui du paradoxe : pour l’éprouver, il faut la contempler sur une corde raide !  Alors, seulement, quand la vérité devient acrobate, nous pouvons la juger ».

La vérité acrobate ! ….  Aussi, les acrobaties facilitent-elles la rencontre de points de vue différents. C’est une illustration simple de la vie en quelque sorte.

La liberté d’expression est une liberté fondamentale d’autant plus précieuse, que son existence garantit le respect des droits et de la liberté.

Il s’agit tout à la fois liberté individuelle et collective.

L’article 4 de la Déclaration des Droits de l’Homme stipule :

 « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui ». 

Cet article est parfois oublié.

Ainsi, l’exercice de notre liberté comporte-t -elle des bornes.

 

Le troisième paradoxe touche aussi la liberté, … « la liberté de la presse » … eh oui …  Comment l’oublier à l’approche d’une année électorale ?

J’ai eu l’occasion de le souligner il y a quelques mois, ce concept moralement indiscutable masque, et de façon essentielle, « le droit de savoir » des lecteurs !

Raconter la vie d’un pays, comme un historien du quotidien, pour reprendre les mots d’Albert Camus, ne se limite pas à citer ou à reproduire des communiqués de telle ou telle officine.

À ce propos je vous raconte une histoire qui vient de loin, près de 70 ans, toujours le doyen !

En ce temps-là, 1953, arrive en France un comédien nommé Eddie Constantine, de son nom francisé « Lami caution ».

De l’autre côté du rideau de fer ? en Russie déjà, Joseph Staline qui vit ses derniers mois, de proclamer à ses détracteurs « ici, la presse est libre ! », d’ailleurs disait-il : « vous êtes cités » !

Depuis, citer est devenu « l’alibi stalinien », le troisième de mes paradoxes, qui fait flores, encore aujourd’hui ! 

 

J’en viens aux défis, plus difficiles et plus concrets, pour préparer notre planète pour les générations futures et développer l’attractivité du pays.

La pandémie a accéléré le changement de nos sociétés. 

L’Histoire dira si c’est pour le pire ou, pour le meilleur. 

Plusieurs ruptures et mutations apparaissent comme des défis. Ils sont devant nous

J’insiste ce soir ; Monaco est partie prenante de ces bouleversements, même si certains peuvent paraitre éloignés, à court terme.

    • Un défi géopolitique ; Le centre de gravité du monde bascule peu à peu de l’Occident Atlantique, vers la zone Asie Indo Pacifique
    • Un défi sanitaire qui semble relevé mais, dans le même temps nous sommes toujours en retard d’un variant 
  • Un défi social quand bien même à Monaco nous pouvons nous considérer en avance sur ce point. La vie des femmes et des hommes est l’essentiel de la politique
  • Un défi technologique ; la transition numérique est sur les rails. Il convient de ne pas en oublier les conséquences socio-économiques, notamment sur l’emplois et les bureaux.

Une récente étude montre, l’impact important du télétravail, qui concernerait en moyenne 30% des emplois, sans perte de productivité pour les entreprises.

  • Un défi anthropologique qui vise à mettre fin au modèle patriarcal.
  • Un défi écologique, devant nous bien présent. 

L’année 2021 a battu les records de chaleur Le denier rapport du GIEC, donne 3 ans pour agir fortement c’est totalement nouveau. 

Pour la première fois, à ma connaissance, les experts fixent à 2025 la limite pour agir !

Là aussi, Monaco avec la transition énergétique a pris le taureau par les cornes.

Nous nous devons de rester vigilants et dans le même temps contribuer, chacun d’entre nous et avec nos moyens, pour limiter la hausse de la température à 1,5° et atteindre la neutralité carbone.

 Nous devons tous contribuer à faire un Monaco durable ! 

Ce qui est en cause c’est à la fois la sécheresse, combinée aux vagues de froid, et à la montée des eaux et à la multiplication des catastrophes climatiques, de plus en plus fréquentes.

Les experts de prédire près de 250 millions de réfugiés climatiques pour l’année 2050. Je rappelle qu’en 1998, ils en prévoyaient seulement 148 millions. 100 millions de plus de réfugiés climatiques en 25 ans !

Des régions et villes entières seront quasiment submergées.

Si la montée des eaux est estimée à près de 3 % pour la Côte d’Azur ; n’oublions pas que dans le Nord de la France, Calais serait submergé à 98 %, et Dunkerque à 80 %. Ces 2 villes comportent plus de 25 000 habitants. …  Même les îles Maldives sont effrayées !

Plus près de nous, la Camargue, elle aussi, se trouverait submergée. Je n’oublie pas la Roya et la Vésubie, qui ont subi les effets de ce changement climatique. J’en profite ici pour saluer les efforts de Monaco pour venir en aide à ses voisins.

C’est aussi la nécessité d’intégrer la qualité de vie dans nos choix.

  • Pour conclure j’en viens à l’éducation.

Ce devait être l’élément clé de mon intervention. La situation internationale m’a conduit à souligner les autres défis présents, pour les générations futures.

J’ai déjà eu l’occasion de le souligner, mais me répéter ce soir me paraît important et permanent :

« Si tu penses à 1 an, cultive ton jardin

Si tu penses à 10 ans, plante un arbre,

Si tu penses à la vie pense éducation »

Nous suivons, et avons tous suivi, le système d’éducation français ; et cela a même été formidable. Toutefois aujourd’hui, les objectifs pédagogiques de notre grand voisin changent ; l’éducation vise à substituer, au moins partiellement, l’égalitarisme au mérite.

Cela se voit dans tous les étapes de la formation.

Je l’ai souvent souligné, la dernière étude PISA de 2018, montre que la France est classée 23e des 74 pays de l’OCDE. 

Elle concerne les enfants de 15 ans pour ce qui touche à l’écrit, la science et les mathématiques.

Il y a donc lieu, dès maintenant, de s’inquiéter pour les emplois futurs, dans un monde qui change et, dont ailleurs curieusement, la performance et le mérite sont, toujours mis en avant et notamment dans les pays asiatiques.

Singapour, Hongkong, Corée du Sud, Taïwan et le Japon caracolent en tête, prêts à concurrencer à distance, avec le télétravail, les emplois futurs.

Il ne s’agit pas pour moi de trouver un coupable, mais simplement d’alerter pour le futur !

Pour faire le lien avec ce qui je disais précédemment avec le changement climatique, 

Quel monde laisseront nous en 2040, aux enfants qui ont un an aujourd’hui ?

C’est un sujet essentiel, bien que plus diffus que le climat ou le numérique ; mais ce sont les générations futures qui sont les premières concernées ! C’est notre responsabilité.

Il faut néanmoins conserver un optimisme et un volontarisme. Il nous appartient d’être une aiguillon pour ne pas se limiter à vivre avec ce quotidien.

Attention, il ne s’agit pas d’être optimiste ou pessimiste, ce serait se comporter en simple spectateur ; nous devons, chacun d’entre nous, agir pour préparer ce monde futur ! 

Le récent Conseil National des Jeunes en prend le chemin.

J’en ai terminé, je vous remercie de votre attention et maintenant place à la réélection de notre Président.

Daniel Boeri

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