Le déconfinement envisagé demande de viser deux objectifs :
- La précaution ; la santé est et reste prioritaire
- Le développement du pays (la reprise économique et sociale)
Réussir ce déconfinement nécessite de se replacer quelque peu dans le contexte.
Où en sommes-nous ?
La période de confinement a ses premiers effets du point de vue du risque de contamination. Les études montrent que le taux de propagation du virus (le fameux R0) qui était 3, soit – une personne contamine trois personnes – avant la contamination est passé à un taux de 0.5, depuis l’application de ces mesures. Ce qui est de bon augure.
Reste cependant à tenir compte des observations des principaux pays d’Asie qui craignent l’arrivée d’une deuxième vague, qu’ils attribuent pour le moins aux « cas importés ». Ces pays non seulement reviennent à un confinement plus strict mais aussi au contrôle des voyageurs à risque.
À titre d’exemple, Singapour a mis en place à partir du 7 avril et jusqu’au 4 mai un confinement ultrastrict ; un contrevenant s’expose à une amende de 10 000 dollars et à six mois de prison !
La Corée du Sud, longtemps considérée comme maîtrisant le mieux l’épidémie, durcit les règles d’entrée sur le territoire et supprime les entrées sans Visa tout en se limitant à insister sur les gestes barrière.
À Hong Kong, les voyageurs doivent se rendre au centre de protection de la santé, et être mis en quarantaine en attendant les résultats des tests et doivent rester confinés 14 jours, même s’ils ont été testés négatifs. À l’aéroport de Séoul (Corée du Sud) l’arrivant doit obligatoirement télécharger sur son téléphone une application permettant de vérifier à distance s’il respectera ses deux semaines de quarantaine, et autres…
Conclusion asiatique : « nous devons admettre que le Coronavirus est toujours là et qu’il pourrait ne pas disparaître, mais nous aimerions au moins, s’il y a une seconde vague, que le nombre de cas augmente moins vite que lors de la première ». Sans compter les premières informations sud-coréennes pour qui le virus pourrait se « réactiver » chez les patients considérés comme guéris !
Du déconfinement lui-même : les prérequis
La date française 11 mai semble être sortie du chapeau !
Non ! Le 11 mai est « la journée mondiale des espèces menacées » on ne peut pas mieux dire ! Pourquoi pas le 8 mai ? (Armistice), pourquoi pas le 13 mai ? (Putsch d’Alger).
La seule force du 11 mai est d’être un lundi !
Compte tenu des enjeux et des risques, il est absolument indispensable de disposer d’une « stratégie de déconfinement » partagée.
Mais il y a des prérequis indispensables et notamment :
- Les masques
- Les tests et la nature des tests
- Les conséquences des résultats des tests
- Le traçage numérique ou non
- Le télétravail
- Pour ce qui est des masques
- Une première distribution est réalisée pour les plus de 65 ans. Il importe donc d’être clair sur la manière dont tous les résidents soient équipés de masques.
- Encore faut-il qu’il y ait une réponse claire sur l’obligation ou non d’en porter et sur les éventuelles pénalités des contrevenants
- Pour ce qui est la nature des tests et leurs conséquences
- Il convient, dans ce domaine, d’être encore plus précis et clair sur la situation.
- Les tests virologiques PCR permettent de connaître si le patient est infecté ou non par le Coronavirus. Nous devons donc répondre à la question « pour le patient infecté, que se passe-t-il ? » Retour à la maison au risque d’impacter la famille ou « quarantaine » dans un hôtel ?
- Si l’hôtel ou un autre espace « ad hoc » est choisi, encore faut-il s’en donner les moyens sanitaires au sens large.
- Les tests virologiques PCR permettent de connaître si le patient est infecté ou non par le Coronavirus. Nous devons donc répondre à la question « pour le patient infecté, que se passe-t-il ? » Retour à la maison au risque d’impacter la famille ou « quarantaine » dans un hôtel ?
- Les tests sérologiques, qui décèlent la présence d’anticorps. Par principe, muni d’anticorps, un individu devrait être immunisé. Ils ont l’avantage de la simplicité.
Actuellement, plusieurs laboratoires commencent à sortir des tests sérologiques. Ces derniers ne sont pas encore validés par l’Académie de médecine. Toutefois on peut penser que cela ne devrait pas tarder. Cependant, et malheureusement, une nouvelle théorie apparaît : pour un certain nombre d’individus, être munis d’anticorps ne saurait être suffisant pour empêcher le retour du Coronavirus. Il y a donc besoin de temps pour la première partie de validation, sans doute très courte. Une très bonne et provisoire nouvelle, l’institut Pasteur à Paris a publié ce dernier vendredi une étude montrant une protection d’au moins deux mois.
En revanche, pour la partie « retour de l’infection », cela sera plus long. Il appartient à la médecine de dire les risques encourus.
Dans tous les cas, pour donner confiance, il convient d’être très clair sur la notion de test.
- Pour ce qui est du traçage numérique
- L’objectif du « StopCovid » est de permettre le suivi des déplacements et des rencontres avec des personnes infectées et d’informer. Cela pose clairement la question de la liberté individuelle. Cela donne une opportunité paradoxale aux antilibéraux de nature de s’élever contre leur dada historique le tout état, sait-on jamais ! La Corée nous donne l’exemple d’un « traçage » maîtrisé ; cela est, semble-t-il, moins certain en Chine.
- Pour ce qui est du télétravail
- Aujourd’hui, il s’agit d’un pis-aller qui néanmoins a pu permettre de faire avancer cette solution de façon importante par rapport à ce qui existait avant la pandémie. Si le télétravail doit être privilégié, il importe de s’assurer d’une optimisation de la relation entreprise/salarié.
Ce qui peut être accepté, dans la situation actuelle, doit être validé pour devenir une nouvelle pratique importante dans l’organisation du travail. Cela a une double conséquence. D’abord à court terme, ce n’est qu’une hypothèse, ce sont surtout les cadres qui l’utilisent. Il serait important d’en dresser une photographie rapidement.
Ensuite, c’est l’accueil des salariés en télétravail et le contrôle de l’épidémie qui doit être envisagée.
- L’accueil des salariés des communes limitrophes
- En relation avec le point précédent, mettre sous contrôle et par quels moyens, limiter le développement du Coronavirus.
Je rappelle que selon l’Institut Pasteur (étude publiée le 22 avril 2020), une personne infectée par le Coronavirus en contamine en moyenne 0,5. Les projections pour le 11 mai estiment que le nombre d’infections quotidiennes devrait passer à 1300 en France, contre des centaines de milliers avant le confinement. Ce qui est un vrai succès.
Toutefois, cette même étude (estimation au 11 mai), montre que, par exemple le taux de personnes infectées sur la Provence-Alpes Côte d’Azur est de 3,4. Nous sommes donc loin d’une « immunité collective » qui devrait protéger l’ensemble de la population. La reprise économique doit s’accompagner d’une réflexion sure « comment contrôler » le risque d’un retour de l’épidémie (2e vague).
Le déconfinement ne peut s’envisager qu’à l’appui d’une stratégie globale regroupant l’ensemble des points précédents.
Le point le plus urgent concerne l’école
Curieusement, pour « forcer » au retour des enfants à l’école, il est le plus souvent fait allusion, entre autres, à la nécessité pour les parents de retourner dans les entreprises travailler ou encore pour ne pas discriminer les enfants défavorisés par la promiscuité et le manque de matériel informatique pour suivre un télé enseignement. Bref, il s’agit de réduire les inégalités.
On ne parle de la santé de l’enfant qu’essentiellement pour dire que le taux d’infection est beaucoup plus faible que celui des adultes. Ce qui est vrai.
On parle ensuite de la distanciation qui devient heureusement la règle à respecter et conduit à limiter les classes à 15 élèves. Sans oublier le prof. Globalement, cela implique des classes d’une surface de l’ordre de 70 à 80 m².
Oublions cela, le pire : on sort les enfants du confinement pour leur interdire la rencontre avec leurs jeunes amis ! Curieuse vision des choses. S’il y avait besoin d’une preuve, les cantines ne seraient pas ouvertes ! Certains même de s’en réjouir ; puisqu’il y aura de fait deux groupes par classe en alternance, un groupe le matin, un groupe l’après-midi, plus besoin de cantine, c’est tout dire.
Je reprends l’exclamation du Président de la Fédération des médecins de France : « comment voulez-vous que les gamins de quatre ans se mettent à 1 mètre les uns des autres, ou ne se touchent pas en jouant ? »
Si besoin était, l’exemple du Japon est fort. Le 2 mars, ce pays ferme les écoles et les rouvre le 6 avril. Mais voilà, une semaine plus tard, il les ferme à nouveau !
Le risque complémentaire est de ramener le germe à la maison et, si tout cela s’accompagne d’une reprise du travail pour les parents, alors on est sur un risque sanitaire majeur !
Cette inquiétude est partagée par les parents et les professeurs eux-mêmes. Un sondage Le Figaro du 24 avril indique que près des deux tiers des parents n’enverront pas leurs enfants à l’école.
Beaucoup de craindre que le fameux R0 (voir plus haut), en relâchant trop fort et trop vite les contraintes appliquées, repasse au-dessus de 1, et il pourrait y avoir alors un redémarrage de l’épidémie.
Ça y est, il semble se préciser que ce retour à l’école ne serait plus obligatoire ! Fini d’un coup « les bonnes résolutions ».
Pour conclure je reprends les derniers propos d’Angela Merkel, Chancelière d’Allemagne :
« Ce serait triste à en pleurer que les succès acquis soient réduits à néant dans les 15 jours ».
Daniel BOERI