Mon intervention à la session extraordinaire du Conseil National de Monaco
Ce soir soudain, nous replongeons en l’an 496 !
Saint Rémi, au baptême de Clovis lui recommandait « brûle ce que tu as adoré ».
Le présent projet de loi reprend le même principe, mais pire, organise une discrimination !
Il pointe du doigt une catégorie de personnes ; les soignants au sens large, après les avoir applaudis dans une période plus qu’angoissante, où pourtant rien n’existait !
De plus par son silence, l’exposé des motifs laisse supposer a contrario que les « non vaccinés » ne feraient courir aucun danger aux autres !
Aristote propose de nous reposer sur « le bien commun », qui est le bien suprême d’une Communauté, de notre Communauté.
Et de préciser que le rôle du législateur, notre rôle, est juste, pour tout ce qui est à l’avantage de tous.
Or, ce soir, nous travaillons sur un projet de loi qui non seulement crée de la discrimination mais, qui plus est, punit une catégorie de personnes ; c’est grave et c’est rare !
Le projet de loi n’est pas à un paradoxe près. Il vise à punir les soignants non vaccinés ; les mêmes que leur déontologie conduit déjà à soigner les non vaccinés ! Et ils l’ont prouvé, largement.
En France, par exemple, dans la semaine du 2 au 8 août, 84% des admis en soins critiques et 76% en hospitalisation conventionnelle, étaient des non vaccinés !
La loi est la même pour tous !! Alors bienvenue au vaccin et au vaccin pour tous !
D’autant que partout dans le monde, le vaccin apparaît être une avancée très forte, pour se protéger soi-même et protéger les autres.
Or, un magma confus d’antivaccins, d’anti-pass sanitaire, … où se mêlent la défiance à l’égard de l’esprit scientifique et la présence, jusqu’à l’obsession, du principe de précaution… entraîne une confusion dans le pays !
On assiste à un grand écart entre l’esprit scientifique et l’obscurantisme.
Une communauté d’indignations disparates réunis, sans doute, par des épreuves individuelles, bien réelles, les conduit à mettre en avant leur conviction, au détriment de l’éthique de responsabilité, allant jusqu’à oublier la solidarité.
Le virus se transmet aussi par eux ; ils vont pouvoir continuer !
Nous entrons dans une période d’anomie, où les règles ne sont plus les règles.
« Un monde où chacun peut contaminer l’autre est un monde où nous sommes moins libres que dans un monde où il faut un pass sanitaire pour aller au restaurant ! »
Il s’agit pour nous, à l’écoute et sous pression, de séparer le bon grain de l’ivraie.
- Le bon grain, évidemment, certains sont convaincus, de bonne foi, que, comme à l’époque, « on deviendrait noir en traversant l’Équateur ! ».
Le saut dans l’inconnu effraye.
Avec eux j’ai confiance.
J’ai confiance parce que, j’en suis certain, ils partagent le bien commun et la solidarité. Alors le pass-sanitaire, sera pour eux un désagrément, comme pour les vaccinés et pour ceux qui ne peuvent l’être.
D’autant plus, que je suis trop attaché à la liberté « réelle » et mais non à la liberté « formelle ».
Mais il y a aussi l’ivraie, la mauvaise herbe. J’ai nommé l’enchevêtrement de complotistes de tout poil qui s’ennuient le samedi.
Un film de Michel Audiard éclaire la situation : « la métamorphose des cloportes ».
Rassurez-vous je n’en dresserai pas la liste ; il en existe près de 4000 espèces.
Une photo toutefois pour ne pas faire long :
Dans la cohorte du samedi on trouve notamment
- Ceux qui crient « dictature ! »
Mais qu’au moins ils regardent la série documentaire sur Netflix « le parcours des tyrans » : Créer un ennemi qui n’existe pas ! Eux, ils savaient faire.
Ils y retrouveront les despotes Hitler, Mussolini, Saddam Hussein, Amin Dada, Kadhafi, …j’arrête la liste, mais elle continue.
J’étais à Berlin le 13 août dernier ; la commémoration du 60e anniversaire de la construction du mur ! … Pas de commentaire !
Ceux-là oublient que notre liberté s’arrête là où elle met en cause les autres ; c’est la solidarité.
L’histoire a déjà connu une telle situation avec l’épidémie de peste !
Pendant que beaucoup mourraient ; d’autres dansaient !
« Le diable ne prenait plus la peine de se cacher. La chair des malades semblait frappée par le feu, se détachait de leurs os et tombait en pourriture
Les misérables couvraient les routes, assiégeaient les églises, s’étouffaient à leur porte et s’y entassaient. La foule augmentait et l’infection aussi. »
Mais voilà on ne le savait pas, il n’y avait pas internet ; la peste est restée sans échos.
Heureusement, Boccace, dans le Décaméron porte témoigne :
Certains assuraient alors que la meilleure médecine contre la peste était « de boire, d’aller chantant et de se moquer de tout » …Curieux rapprochement de l’histoire.
La triste histoire de Blanquette, la chèvre de Monsieur Seguin devrait alerter. Aux cris de « Libertà », la chèvre se détacha de ses chaines et « dansa » toute la nuit avec le loup, …. Au petit matin le loup la dévora !
La solidarité doit nous guider.
Dès lors, pour ceux qui ne peuvent ou ne veulent se faire vacciner, le pass sanitaire doit devenir la règle.
Pour se protéger et protéger les autres.
Le bien commun oblige,
Le bien commun nous oblige,
Le bien commun m’oblige.
Aussi, convaincu de la nécessaire solidarité et du besoin de cohésion sociale, je fais miens les propos de Montesquieu : « l’atrocité des lois en empêche l’exécution ».
Tout en réaffirmant que la meilleure manière de sortir de cette crise sanitaire est la vaccination, ou à défaut, le pass sanitaire, je voterai contre ce projet loi, parce qu’il oublie le bien commun et organise la discrimination.
Daniel Boeri