Déclaration de politique générale- Séance publique budgétaire- 12 décembre 2017

Mis à jour le 21/12/2017 | Publié le 13/12/2017 | Édito, Monaco, News, Politique

Chers compatriotes,

« Suivre ou poursuivre, telle est la question »

Le Gouvernement nous jouerait-il un air Shakespearien ? Que nenni !

Ce n’est qu’une parodie de l’Ane de Buridan, qui, comme vous le savez, mourut de faim et de soif ne sachant par où commencer, ou boire ou manger. Rassurez-vous, ce n’est qu’une expérience de pensée !

J’ai appliqué la méthode du Gouvernement qui consiste à réduire le budget à un exercice de comptabilité.
Les 46 pages du Plan Gouvernemental d’Action annoncent 12 fois le mot « suivre » ! Et, mes chers collègues, 84 fois le mot « poursuivre » ! Excusez du peu !

Ah, cher Voltaire, quand tu nous tiens ! « Je vous écris une longue lettre car je n’ai pas eu le temps de vous en écrire une courte »

Eh oui, près de 700 pages pour expliquer le budget, après les presque 300 du budget rectificatif !
Amateurs de la poésie, bonjour ! Mais il est vrai : « le diable se cache dans les détails ».

Je m’étais attelé à étudier le budget avec bienveillance, mais, il me fallut rapidement déchanter.

La méthode de travail n’évolue pas.
J’en veux pour preuve la présentation des grands travaux. Le rapport coûts-avantages n’est pas exploré alors que le qualitatif, à lui seul, justifierait les choix du Gouvernement.

L’ambition se limite à « suivre et poursuivre ». Cette seule perspective m’effraie.

Elle m’effraie car j’ai l’impression que le gouvernement, droit dans ses bottes, n’anticipe pas le monde se transformer.

Elle m’effraie car je crains que le budget ne soit qu’un ensemble de tâches à réaliser et non des résultats à atteindre.

Elle m’effraie car le gouvernement n’entend pas la place constitutionnelle du Conseil National, et même, il semble s’en moquer !

Au fond, c’est comme si on nous disait « Voilà nos choix : circulez, il n’y a rien à voir ».

Sur la culture d’abord.

58 millions d’Euros sont passés sous silence… en revanche, les 1,2 millions destinés au nouveau Lotus Note de l’Administration sont, eux, mis en avant.

C’est comme si le menuisier du coin déclarait à tous ses clients « venez, venez, j’ai un nouveau rabot automatique »
Près de 5% du budget de l’Etat pour la Culture, laissés de côté, excepté quelques lignes, plutôt maladroites d’ailleurs, permettez-moi de le dire, puisqu’apparemment, le Gouvernement butine et joue les vases communicants : une baisse de plus de 800 000 euros pour les manifestations culturelles, pour subventionner 1,2 million un tournoi de boxe

Sur les retraites

« Préserver les comptes du régime de retraite des salariés du privé ». Louable intention !

Mais se contenter, de « veiller comme l’an passé au suivi de l’évolution du régime » … une fois de plus, les bras m’en tombent, quand on en connaît l’urgence.
Faut-il rappeler les 50 000 salariés supplémentaires nécessaires autour de 2040 ?

Pas grand-chose à voir non plus, sur l’attractivité

On continue comme avant.
Le Gouvernement indique toutefois que nous accueillerons 15 000 salariés supplémentaires d’ici 2030. Enfin un peu de vision !

Pourtant, la lueur d’espoir s’est très vite évanouie : on parle de mètres carrés à construire, mais aucunement de la manière d’attirer les entreprises qui embaucheront ces 15 000 nouveaux salariés dans un monde où la technologie bouleverse des pans entiers des secteurs économiques.

Autre exemple, sur notre fonction publique

Le Gouvernement décrit la brochure CoHRus à grand renfort d’experts. Bravo !

Gestion administrative, gestion de la paye, gestion des carrières, gestion des retraites.

Tout y passe. Mais pour quels avantages ? Silence, cela va de soi !

Mais aussi : « gestion des temps et des activités ».

Est-ce pour mesurer le temps de travail des fonctionnaires et identifier ceux qui « travaillent trop » et ceux qui ne « travaillent pas assez » ?

J’ose espérer que non car, Monsieur le Ministre, j’en aurai froid dans le dos.
J’avais jeté les chronomètres dans les entreprises, il y a déjà 40 ans !

L’administration monégasque ne mérite pas de revenir au XIXe siècle sous prétexte de logiciel et de brochure !  

« Suivre ou poursuivre » ? Voilà ce que j’ai vu dans ce budget primitif 2018.
Une seule fois j’ai vu le mot « vision ».

Le rapport du gouvernement oscille, à la manière du pendule de Schopenhauer, de la souffrance à l’ennui, de l’exposé des motifs à la comptabilité des dépenses…Il y a de quoi être pessimiste !

Le budget est un exercice obligé dont le Gouvernement aimerait bien se passer de discuter.
Au-delà, l’excédent budgétaire se réduit à de 2 millions d’Euros. Mais où est demain ?
Or, le budget est le premier pas vers l’avenir.

Lors du rectificatif 2017, j’avais utilisé le chiffre 0. Je crains que nous nous en approchions à nouveau…
Ce qu’il faut pour nos compatriotes et les résidents, c’est « donner envie ».

« Donner envie de vivre ici ! »
Aux entrepreneurs de créer leurs entreprises, aux résidents d’y rester, aux jeunes de s’y réaliser !

« Donner envie de venir chez nous »
Y travailler, y investir, s’y divertir !

« Donner envie » doit être un moteur pour notre attractivité.

« Suivre ou poursuivre, telle était la question » au début de cette intervention.

Tel l’âne de Buridan, à trop chercher à suivre, je n’ai pu étancher ma soif de compréhension.
A trop chercher à poursuivre, je n’ai pu soulager ma faim d’explications.

Je nourris donc peu d’espoirs quant à l’avancée des débats budgétaires, même si, contrairement à Schopenhauer, je ne désespère pas.

Je vous remercie,

Daniel Boeri

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