BANQUIERS CENTRAUX ET COP 28 COMPLICES OBJECTIFS… et À CONTRE SENS… UNE FACTURE À VENIR DE 5% DU PIB !

Publié le 01/01/2024 | Climat, Économie et social, Édito, International, Politique

Une remarque liminaire ; ayant écrit, il y a bien longtemps, que, dans les situations compliquées, « quand on a trouvé un coupable on a souvent tort » ; cette précaution annoncée, il me faut revenir aux missions des banquiers centraux et à celles des pays de la récente COP28.

Les banquiers centraux ont pour but, entre autres, de vaincre l’inflation ; les participants à la COP 28, quant à eux, doivent « vaincre » le réchauffement climatique !

Pour ce qui concerne l’inflation, la réponse est quasiment unique : « augmenter les taux d’intérêt ». Pour ce qui est des pays participants au 28ème sommet pour le climat, il s’agit de définir, en commun, les voies pour réduire la production de CO2 !

Je sais, les situations sont compliquées ; chacun des « partenaires » doit également faire face à des situations plus globales, économiques, sociales et environnementales. Les banques centrales ont fait face, avec succès, à la pandémie du Covid en aidant les différents pays, en s’endettant elles-mêmes et gonfler leurs bilans. Les pays de la  COP28, eux, doivent piloter, dans le même temps, les différentes situations économiques, sociales et environnementales ainsi que leur endettement.

Les banquiers centraux

Toutefois, l’inflation repose sur au moins deux facteurs, parfois mêlés, mais surtout contradictoires. D’un côté, la hausse des prix est provoquée par l’excès de demande des consommateurs ; de l’autre, par un excès de la hausse des coûts des matières premières ! C’est bien ce qui s’est produit avec la guerre en Ukraine ; la hausse des coûts des matières premières a provoqué naturellement, ipso facto, une hausse des prix. Mais le choix des banquiers centraux d’augmenter les taux d’intérêt a conduit à créer des problèmes, parfois même beaucoup plus larges. 

On a vu, par exemple aux États-Unis, des banques tiraillées pour le moins ; en France, les hausses successives des taux ont provoqué une hausse des coûts des emprunts, conduisant à remettre en cause le secteur de l’immobilier avec, dans un avenir très proche, des pertes estimées de l’ordre de 100 000 à 150 000 emplois ! 

De fait, dans les grandes villes de France, le pouvoir d’achat de l’immobilier a dégringolé, entre 15 et 34% ! Concrètement, alors que des remboursements mensuels de 800 euros permettaient l’acquisition de 66 m² en 2019, ils ne permettent aujourd’hui d’acquérir plus que 42 m² ; soit une perte de 24 m² ! De plus, cela n’a semble-t-il pas suffi et deux « Harpagon » de l’INSEE de ressortir une étude de 2022 proposant de taxer les propriétaires occupant leur logement – quelle audace – d’un montant de « loyer fictif » …

Autre conséquence, plus masquée et plus grave, les pays « pauvres et intermédiaires » ne sont plus en mesure de payer le coût de leurs emprunts ! Au-delà du réaménagement de leurs dettes, on perçoit, dès maintenant, la nécessaire et future hausse des impôts dans leurs pays, mais surtout celle d’une solidarité mondiale !

Le COP 28

Le 28ème sommet pour le climat, de son côté, se réjouit, d’être parvenu à écrire en synthèse la nécessaire diminution des énergies fossiles, pour atteindre les Objectifs de Développement Durable des Nations Unies, d’ici 2030. Le retard est important dans la mesure où 70 pays ont augmenté leurs émissions de carbone, et 38 ont même dépassé une augmentation de 10 % ces trois dernières années. Seul un pays sur cinq a réduit son niveau de pollution, depuis 2019. 

On a pu suivre, comme une distraction, la sorte de contradiction entre cette impérieuse nécessité et la présidence du sommet confiée à un pays producteur de pétrole !

La situation est d’autant plus spectaculaire que, pour les 48 économies en développement, les investissements à réaliser d’ici 2030 s’élèvent à 5500 milliards de dollars tous les ans. Sans compter qu’elles sont déjà confrontées à un déficit de dépenses de 337 milliards de dollars par an.

La transition énergétique

Au plan strict de la transition énergétique, il s’agit d’investir, annuellement, 5800 milliards de dollars !

De ce point de vue, et pour rester dans une démarche systémique, il s’agit dans le même temps de lutter contre la faim dans le monde, soit un besoin de 6100 milliards de dollars tous les ans !

Il y a bien sûr aussi les coûts variables. En fonction des objectifs choisis par chacun, les investissements peuvent évoluer. Selon la CNUCED cela représente un montant compris entre 1179 et 1383 dollars par personne et par an. Ce chiffre est dur pour certains pays. Par exemple, en Thaïlande, pour 2024, le salaire minimum va être augmenté à moins de10 dollars par jour et en 2022, 2 à 4 dollars pour l’Inde, moins de 3,5 dollars pour les Philippines et 6 à 7 dollars par jour au Brésil !

La CNUCED d’estimer, si l’on se concentre sur les seuls 48 pays en développement, les besoins entre 6 900 et 7 600 milliards de dollars par an. Une simple augmentation des fonds ne suffira pas à garantir le succès des Objectifs de Développement Durable. 

Comme indiqué plus haut, ils devront restructurer leurs dettes, qu’il leur sera difficile de continuer d’augmenter. Il est clair que les pays développés, à eux seuls, ne pourront répondre à leurs besoins de financement, d’autant qu’il faudra aider les pays émergents, dont les besoins sont évalués à 3000 milliards de dollars par an jusqu’en 2030, pour financer leurs Objectifs de Développement Durable. Ce niveau correspond à 7 % de leur PIB. 

La prochaine facture

Le Fonds Monétaire International lance la piste de mieux collecter les impôts et d’estimer même de les augmenter en portant le ratio à 9 % du PIB ! 

Une autre piste, d’actualité notamment en France, pour aider les pays émergents : s’appuyer sur le transfert monétaire des travailleurs immigrés et non pas les réduire !

Le retour à l’autarcie est également suggéré en s’appuyant sur les Investissements Directs Etrangers, les fameux IDE ; une nouvelle taxe en vue !

J’insiste sur ces grandes données car, à la COP28, la question consacrée à la contribution des consommateurs, de tous les consommateurs, est faible, voire quasi nulle.

Le pilotage global de chacun des pays est nécessaire mais, pour l’objectif climat, sans participation des consommateurs, le risque, une fois encore, est de rater les objectifs de 2030. Un seul exemple en France : actuellement, le secteur automobile se réjouit de l’augmentation des ventes de voitures essence et diesel ! Dans le même temps, et sans craindre une quelconque contradiction, le pays s’émeut et se dit « stupéfait et en colère » après les déclarations de l’OPEP demandant le rejet, dans les conclusions du sommet, de la partie ciblant les énergies fossiles et, le même jour, de raboter le bonus écologique de 1000 euros pour l’achat d’un véhicule électrique !

Main dans la main pour la prochaine facture 

Ainsi, d’un côté, les banquiers centraux sont arrivés à faire courir le risque de récession, comme le laisse craindre la situation de l’Allemagne, et les pays de la COP28 n’ont pas pris le chemin d’inviter tous les consommateurs à changer leur mode de vie. Un dernier exemple : la France a prévu d’investir 66 milliards par an pour le réchauffement climatique entre 2024 et 2030, sans compter le manque à gagner fiscal correspondant, pour s’apercevoir que la réussite complète des objectifs représenterait moins de 2 % de la production de CO2 mondiale ! Tout reste à faire.

La solution est claire : créer un impôt de solidarité mondiale, qui devrait être de l’ordre de 5% du PIB de chaque pays !

Daniel BOERI

 

Articles récents

Share This

Partager cet article

Partager cet article avec votre réseau