Édito du 4 avril 2019 : « Conseil National, ouverture session de printemps, mon discours de doyen »

Mis à jour le 07/05/2019 | Publié le 04/04/2019 | Économie et social, Édito, International, Monaco, Politique

Monsieur le Ministre,

Madame, Messieurs les Conseillers Ministre

Mes chers collègues,

Chers compatriotes, chers amis, dans l’hémicycle, à la télévision et Internet

Chacun attend l’élection du Président et du bureau et me voilà Doyen d’Age à ouvrir l’annuelle séance avec un discours, « libre » en durée et en parole !

Je ne sais pas si je vais vous rassurer, MAIS

Vous l’avez certainement constaté, aux Etats-Unis, la nouvelle Présidente de la Chambre des Représentants, Nancy Pelosi, a 78 ans ! ……………

Ça nous laisse encore de la marge

C’est l’occasion de prendre un peu de recul sur la situation que nous vivons à Monaco, monégasques et résidents, et sur la situation de Monaco dans le monde.

Nous ne sommes pas une île à l’abri des péripéties, plus ou moins aigues qui peuvent se passer autour de nous.

C’est pourquoi

Ce soir je souhaite vous parler d’un sujet essentiel à mes yeux ; l’identité nationale !

Cette identité qui fait notre appartenance.

L’appartenance à un groupe qui nous réunit par un lien invisible, mais toujours présent.

Nous n’avons pas tous la même opinion, mais partageons des valeurs communes ;

Celles d’une famille ; la famille monégasque !

L’identité qui présente une double facette.

  • D’abord, c’est l’identité individuelle, personnelle, éthique ;

Ce que les philosophes du siècle des lumières, Montesquieu, Voltaire, Rousseau, nous ont enseigné et qui a contribué à l’édification d’une constitution internationale :

« Les droits de l’homme » !

Malheureusement, en ce XXIe siècle, leur pratique devient d’abord morale.

Vous savez, « ce qui se fait » et « ce qui ne se fait pas », selon le prisme déformant des uns et des autres au point de devenir :

« Des droits de l’homme à « cadre mobile » !

D’ailleurs, c’est bien connu, Pascal, nous le dit, « vérité en deça des Pyrénées, erreur au-delà »

Un simple exemple, venu d’ailleurs :  quand la droite gagne les élections ce sont des « populistes » et quand la gauche gagne les élections ce sont des « citoyens » !

Au point de rendre vrai l’aphorisme de Berthold Brecht

« Si le peuple ne marche pas, alors … il faut « changer le peuple » !

Mais vous dites-vous, pourquoi, en vient-il la !

Parce que je suis inquiet.

Les droits de l’homme, ne sont pas un simple concept ; s’ils consistent d’abord à protéger l’individu quel qu’il soit, des interprétations, des rumeurs, des « fake news » ,,,,,ils concernent aussi notre « vivre ensemble »

Or, chez nous, « la présomption d’innocence » a été récemment bafouée.

Voilà pourquoi, ce soir, en public, je veux résumer la déclaration que j’ai faite, en privé, dans cet hémicycle, en présence du gouvernement.

Excusez-moi Monsieur le Ministre, mes chers collègues, pour cette redite, mais rendez-vous compte :

  • En ville, dans notre célèbre place du marché de la Condamine, on me dit : « ne parle pas de cela, on pourrait croire que tu défends X Y ou Z » et oui, je vous le dis… : déjà coupable !

Je lis :

Dans notre pays, la présomption d’innocence a été bafouée !

Notre Constitution inscrit

« La principauté est un État de droit, attaché au respect des libertés et droits fondamentaux ».

Et précise :

« Les lois pénales doivent assurer le respect de la personnalité et de la dignité humaine.

Nul ne peut être soumis à des traitements cruels, inhumains ou dégradants ».

Dès lors, s’applique sans ambiguïté, dans notre Pays, la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme :

« Toute personne accusée d’un acte délictueux est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie au cours d’un procès public où toutes les garanties nécessaires à sa défense lui auront été assurées »

Faut-il rappeler un grand juriste : Henri Lévy-Bruhl

« Le procès est destiné à aboutir à un jugement par lequel il est mis fin à une contestation où, je le souligne, les plaideurs ne sont pas les seuls intéressés : elle touche aussi peu ou prou la collectivité ; elle jette le trouble dans le groupe social parce que le droit d’un ou plusieurs de ses membres se trouve mis en doute » !

Avec la présomption d’innocence, loin des seul cas individuels, c’est, j’insiste, notre « vivre ensemble » qui est concerné !

En effet, nous ne sommes pas dans un système d’ordalie,

Où l’on demandait à l’accusé de plonger son bras dans un chaudron, rempli d’eau bouillante, afin de récupérer un objet qui s’y trouvait.

Ceci fait, le bras brûlé était bandé dans un sac de cuir, scellé par le juge.

On laissait s’écouler quelques jours avant d’examiner la plaie et à la vue de l’état de celle-ci on déduisait, selon les cas, l’innocence ou la culpabilité de l’individu !

Je rajouterai que dans un État de droit la présomption d’innocence, n’est peut-être qu’une lueur, mais elle luit !

Voilà, résumé, ce que j’ai pu dire et c’est toujours d’actualité !

  • J’en viens maintenant à l’Europe et l’identité nationale

Là encore, notre appartenance à un groupe à une communauté est irrépressible !

Dans le cadre des négociations d’un éventuel accord d’association de Monaco avec l’Union Européenne, des lignes rouges ont été fixées J’attends donc, en toute confiance, le résultat des négociations.

Toutefois ; il est souhaitable de dresser un bilan de l’Europe, d’autant plus que le protectionnisme est de retour

Des dizaines d’années après, où en est l’Europe ?

Permettez-moi, de parodier Victor Hugo dans son fameux discours sur l’Europe au Congrès de la Paix, où il s’aventurait, avec raison, en proclamant alors :

« Le temps viendra où… ».

Aujourd’hui, « le temps est venu » !

  • Le temps est venu où les deux groupes immenses les États-Unis d’Amérique et les États-Unis d’Europe placés en face l’un de l’autre, se tendent la main par-dessus les mers,
  •  Échangent leurs produits, leur commerce, leur industrie, leur art, leur génie, améliorant la création et combinant ensemble pour en tirer le bien-être de tous
  • Le temps est venu où l’homme parcourt la terre, comme les dieux d’Homère parcouraient le ciel en trois pas !
  • Le temps est venu où Français, Anglais, Belges, Allemands, Slaves Européens, Américains, et je rajouterai Monégasques, sont arrivés à s’aimer

Alors pourquoi !  L’Europe qui suscita tant d’espoir, tant d’attente, suscite-t-elle, aujourd’hui, tant de craintes ?

L’Europe a oublié un principe compliqué, à dire, mais combien éclairant : la SUBSIDIARITE !

  • La subsidiarité, c’est créer la nécessaire autonomie des collectivités locale, vis-à-vis des pouvoirs centraux.

Il s’agit d’une erreur morale que de laisser faire par un niveau « central », ce qui peut être fait par un niveau « local »

Vous l’aurez compris, je veux vous parler du fait culturel et de la culture qui sont au cœur de cette dichotomie

Nous sommes au XXIe siècle :

Désormais le but de la politique grande, de la politique vraie est de :

Faire reconnaître toutes les nationalités ; c’est-à-dire leur identité

C’est un but réalisable et c’est un but inévitable

La reconnaissance des identités est la force du nouveau destin européen.

Mais attention, très souvent…trop souvent ?

« Au lieu d’une science des réalités, nous nous limitons souvent à une analyse idéologique ou morale ».

L’Europe, malheureusement, de nous faire oublier la première règle de Emile Durkheim

« Traiter les faits sociaux comme des choses » ; c’est cela la réalité !

De fait, le développement de l’Europe ne s’est pas accompagné d’une intégration des nations dans une véritable entité politique.

Paradoxalement, son élargissement a accentué une fragmentation qui s’est accrue entre les Etats membres et surtout, on l’oublie trop souvent, même en leur sein !

ET CE N’EST PAS RIEN, C’est ESSENTIEL

Faut-il citer :

  • La République tchèque et la République slovaque
  • Au Royaume-Uni, avec l’Écosse et le Pays de Galles,
  • L’Espagne, avec la Catalogne et le Pays Basque
  • L’Italie, avec le Piémont

Alors, « pourquoi cette fragmentation ? »C’est le retour de l’identité !

L’identité, c‘est se réapproprier la culture territoriale !

Or, l’Europe tel un rouleau compresseur « d’uniformité », « de standards », « de pratiques », « de normes »,

gomme, pour finir par les nier,

le lien culturel et la culture.: 

Cela englobe les connaissances, les croyances, les arts, la morale, les lois, les coutumes …, et toute autre capacité et habitudes acquises par les hommes en tant que membres d’une société.

Ces différences, qu’elles soient petites ou grandes, en termes de taille, de territoire, de population, de géographie, si chère à Montesquieu « à Rome, fait comme les romains », sont le terreau, pour simplifier, de « l’art de vivre » et d’une identité.

Monaco a sa propre culture, sa propre vocation, son propre modèle ; son identité doit être préservée ;

Pour conclure mon propos ; un message aux générations futures certes, mais aussi à nous même !

Je le dirai partiellement en monégasque

 Se, se passamu u tempu a travayà, a se piyà cüra d’i nostri e d’i amighi, a puliticà, a se divertì, a perde u tempu a de peti, se pò ben che u mundu se scange sença nui !

Ailleço Serëssa prun ingiüstu ! Ma, qü à ditou che a Stòrya è giüsta !

Je traduis ;

Si nous passons notre temps à travailler, à nous occuper de notre famille et de nos amis, à faire de la politique, à nous amuser ou encore à bailler aux corneilles, nous courrons le risque que l’humanité ne se transforme sans nous ! Ce serait très injuste ; mais personne n’a jamais dit que l’histoire est juste !

Or, nous sommes confrontés à 4 mutations qui bouleversent tout :

 « Le monde d’avant n’est plus »

Aujourd’hui, le monde se trouve à la croisée des chemins un pied dans l’ancien monde – économique et philosophique, et l’autre pied pour inventer demain !

Ces grandes mutations remettent en cause brutalement notre « art de vivre » !

  • La mutation technologique / numérique
  • Elle remet en cause la célèbre « destruction créatrice » chère à Schumpeter ; c’est, aujourd’hui le risque de la « création destructrice » : l’emploi peut disparaître !
  • Le talent humain, personnel, est essentiel. Il ne suffit plus d’avoir réalisé un bon travail et même atteint ses objectifs : il faut en plus apporter des idées !
  • Ensuite, la mutation climatique ou le dérèglement climatique accéléré
  • Cette mutation, moins silencieuse ; on en parle quotidiennement.

Le monde entier est concerné : il s’agit d’un véritable bouleversement, alarmant et urgent :

Deux exemples :

  • Le « jour de dépassement », vous savez, le jour où la population a consommé toute la production naturelle de la planèteEn 1986, ce jour arrivait le 31 décembre : équilibre parfaitEn 2018, le jour de dépassement est arrivé le 31 aout ! : 4 mois plus tôt !
    • Mais l’accélération du dérèglement est encore plus forte aujourd’hui
  • Fin 2015, lors de la Cop 21 pour le climat, 55 états s’engageaient à agir pour limiter à 2°C la hausse de la température d’ici 2100.
  • Fin 2018, seulement 3 ans après, le GIEC, demande une révision drastique de cette perspective pour limiter la hausse de température à 1,5°C. Dans ce cas, la hausse du niveau des mers se limiterait à 60 cm !
  • La troisième mutation concerne les « nouveaux acteurs » venus d’Asie en général et particulièrement de Chine et de l’Inde.
    • Se limiter à l’éternelle rengaine du copiage et des bas salaires, c’est, s’aveugler vis-à-vis du niveau scientifique et académique de ces pays.
  • Il s’agit de changer de logiciels, de se tourner vers l’avenir plutôt que de la voir dans un rétroviseur.
    • L’Europe c’est peut-être triste, n’est plus la lumière du monde
  • Quatrième mutation pour terminer : le retour de Malthus !
  • Oublié et honni, Malthus et ses restrictions de population revient en force !
  • D’ailleurs, quand on oublie l’idéologie qui masque la réalité on se rend compte que tout le système économique, social et environnemental tourne autour de la satisfaction des besoins humains.

Chers amis pour terminer :

Le Monde d’avant n’est plus !

Notre pays va bien, cela laisse le temps, bien que limité, pour intégrer ces nouvelles conditions de développement économique, social et environnemental.

En même temps, il nous faudra trouver et inventer les nouveaux chemins de croissance et de nouvelles sources d’emplois, dans un avenir toujours incertain.

ATTENTION ; Dire que le monde change brutalement, n’est pas être pessimiste !

D’ailleurs, je suis optimiste et oui !

En réponse aux quatre mutations

Monaco a pris le « taureau par les cornes » :

  • La transition numérique et sa sœur jumelle l’indispensable formation et oui, j’allais dire enfin
  • La transition énergétique, loin de n’être d’une simple idée
  • L’arrivée des « nouveaux acteurs » ! Comment ne pas souligner la venue du Président chinois XI JIMPING
    • C’est le voyage de Marco Polo en sens inverse !
      •  Ce n’est plus la petite république de Venise qui va à Pékin,
      • C’est Pékin qui vient à Monaco !
  • La mutation démographique :  La proposition de loi sur l’acquisition de la nationalité, vise à répondre

Alors oui je suis optimiste !

Tout cela me permet de croire à demain !

Pour réussir nous devons conserver notre identité, en restant nos propres acteurs de notre modèle économique, social et environnemental.

Je vous remercie

 

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