Édito du 26 Juillet 2017 – Financement de la campagne électorale

Publié le 26/07/2017 | Édito, Monaco, Politique

 GRECO : Tout ça « pour une poignée d’Euros » !

L’excitation qui vient d’entourer la question relative au financement des campagnes électorales et d’une éventuelle session extraordinaire, au mois de juillet, me décidait de faire comme Montesquieu en son temps :

« On me mit dans les mains des livres de Droit ; j’en cherchais l’esprit » !

Après 239 commissions, 25 Commissions Plénières d’Etude et 15 séances publiques depuis 2016 ; quelle mouche a donc piqué certains d’entre nous ? Le GRECO !

Cette session extraordinaire, voulue par certains comme le doigt sur la couture du pantalon, visait à discuter des recommandations du GRECO (Groupe d’Etats contre la Corruption), à quelques mois des élections du Conseil National.

Veut-on à ce point précipiter les choses, pour faire plaisir au Conseil de l’Europe ? Ah oui, j’oubliais ! Il plane sur le pays comme un parfum de corruption… « tous pourris » !

La querelle semble gronder. Pour convoquer une session extraordinaire, il faut l’accord des 2/3 des élus.

Les minorités auront beau jeu de dire que la majorité n’en veut pas et retarde le processus, ou que certains…  « morale, quand tu nous tiens » ! Au point de chercher des coupables ! Oubliant que seule la justice applique la morale et dit le droit… et pas les rumeurs. Même s’il est vrai que le lancement d’une campagne électorale n’a pas grand-chose à voir dans l’affaire !

Chacun le sait, je suis un européen convaincu, et sans doute, vu mon âge, depuis plus longtemps que tout le monde ! Reste que l’Europe a perdu une partie de son sens originel parce qu’elle a oublié la célèbre théorie des climats.

Redécouvrir de l’Esprit des Lois a été fort instructif et approprié à notre cas :

« Les lois positives doivent être relatives aux physiques du pays, aux climats glacé, brûlant ou tempéré, à la qualité du terrain, à sa situation et à sa grandeur.

Elles doivent se rapporter au degré de liberté que la Constitution peut souffrir, à la religion des habitants, à leur inclinaison, à leur richesse, à leur nombre, à leur commerce, à leur mœurs »

Montesquieu, par avance et par hasard, en 1725, parlait de notre pays !

 

En effet, nous n’échappons pas à la règle, dans l’environnement si particulier qui est le nôtre : une terre d’étroitesse de 2 km², où tout le monde se connaît !

Nous sommes un peuple européen, membres du Conseil de l’Europe ; nous partageons les valeurs de démocratie et des Droits de l’Homme, ce socle commun si important !

Cela ne veut pas dire que nous devons tout partager, jusqu’aux lois qui nous régissent ! Surtout celles relative au « petit bout de la lorgnette », comme celle sur le financement des campagnes électorales.

Si par principe il est souhaitable de doter notre pays d’un arsenal législatif à l’image de nos voisins européens, il doit nécessairement coller à la nature de notre pays, de notre culture, et de ce que nous sommes : un pays ouvert, indépendant, avec ses particularités et spécificités, au service de notre Prince. Mettre un premier doigt dans cet engrenage, c’est risquer de perdre la main sur nos spécificités, notamment, et surtout, la priorité à l’emploi et au logement de nos compatriotes !

A l’origine de cette agitation se trouve donc le tout récent rapport du GRECO « sur la prévention de la corruption des parlementaires, juges et procureurs » ! Excusez du peu ! Et pour cela, il s’agirait de :

  • adopter un code de conduite
  • signaler les conflits d’intérêt,
  • établir une déclaration sur les intérêts financiers et économiques (y compris pour les membres de la famille ! Mais il est vrai que pour ces derniers, la publicité ne serait pas obligatoire !)
  • plafonner et vérifier les comptes de campagne

 

Mes chers amis, voudrait-on substituer notre manque d’impôts par celle de lanceurs d’alerte ! « La dénonciation, le retour ! »

A flatter les bas instincts, on ne s’honore pas…même sans le vouloir.

 

12 Euros par jour et par candidat !

J’en reviens donc à notre sujet ; toute cette querelle pour…12 euros par jour et par candidat ! Certains perdent-ils la tête ?

Car au fond, de quoi s’agit-il ? De 80 000 euros sur 270 jours (9 mois) ! Soit 12,34 euros par candidat sur l’ensemble de la période…

En politique, comme en marketing, un investissement de départ est indispensable, et le droit d’entrée dans un nouveau marché, en l’occurrence ici le « marché électoral », ne se cantonne pas simplement à apposer son nom sur une liste.

Il s’agit aussi de se faire connaître. Les nouveaux visages n’ont pas cet avantage que possèdent les sortants, naturellement.

 

Une prime aux sortants ?

Ainsi, à trop vouloir moraliser et limiter les dépenses quoi que déjà limitées depuis plusieurs années, on donne, sans le vouloir (vraiment ?), une prime aux sortants ! Et, paradoxalement, à vouloir en viser un, on les pénalise tous !

Je l’assume totalement ; il est déraisonnable de légiférer sur ce sujet, qui plus est dans la précipitation, au moment où les premières manœuvres électorales se font jour. Mais peut-être n’est-ce pas un hasard !

Sous prétextes de « morale », d’« élection équitable », de  « dépenses obscènes », de « moralisation de la vie politique », le microcosme politique en viendrait-il à se protéger lui-même ? D’autant qu’après avoir coupé plus de 30 têtes compétentes (les fameuses incompatibilités), par peur du dégagisme ? Un nouveau subterfuge interdirait l’arrivée objective de nouveaux entrants pour des raisons morales ? Réveillez-vous mes chers collègues !

 

Des instruments adaptés à notre climat

La meilleure défense contre la corruption dans notre pays ne réside pas dans les budgets des campagnes électorales, naturellement limités.

C’est à la fois adopter et inventer de nouvelles pratiques en les adaptant à nos particularismes ; j’avais, par exemple, déjà appelé à la création d’un comité éthique qui aurait en charge, notamment, de rédiger un code de déontologie monégasque.

On se coupe peu à peu des forces vives du pays.

Veulent-ils vraiment que le Conseil National devienne une nouvelle maison de retraite Quietudine ? Attention, il n’y a que 24 places !

Tout cela conduit encore à l’affaiblissement d’un des piliers sur lesquels repose notre Principauté ; il s’agirait de le consolider plutôt que le diminuer par inadvertance !

Tenir compte de l’étroitesse de notre territoire, de notre nombre, de notre travail législatif et de notre rôle dans la Constitution, tels sont les critères sur lesquels nous devons nous appuyer pour restaurer un climat de confiance, si besoin est, avec les Monégasques. Montesquieu a montré la voie…elle a progressivement disparu sous le couvert de l’harmonisation des lois européennes…

Mais pendant ces palinodies d’une partie du microcosme politique qui provoque une tempête dans un verre d’eau, certains oublient complètement le drame des Jardins d’Apolline, et les centaines de familles plongées dans l’incertitude et l’angoisse. Moi, je ne les oublie pas.

Oui à une Commission spéciale. Mais pour les Jardins d’Apolline[1].

Daniel BOERI

[1] En moins d’un mois, 21 000 pages consultées sur mon édito sur les Jardins d’Apolline

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